Si le clitoris aujourd'hui fait la Une des magazines féminins, il n'en a pas toujours été ainsi… Clé du plaisir saluée par Hippocrate, fustigée par les protestants et bafouée par les psys freudiens, ce précieux organe de la jouissance féminine a connu bien des vicissitudes. Grandeur et décadence du bouton de rose sous le regard du sexologue Jean-Claude Piquard.
- 300 ans av-J.C Hippocrate pour le clitoris
Les médecins antiques s'intéressaient de très près à la sexualité. Pour Hippocrate, la procréation résultait de la rencontre de la semence de l'homme et de celle de la femme. Une opération largement favorisée par l'orgasme des deux parties, féminin y compris. "Même si le mot clitoris n'apparaît pas, tous les indicateurs laissent à penser que le célèbre médecin lui donnait toute son importance" précise J.C. Piquard1. Il était donc admis que stimuler le clitoris lors des rapports sexuels augmentait la fertilité.
- 1559 : La découverte de l'anatomie du clitoris par Colombo
C'est au 16ème siècle, la médecine découvre le clitoris ! Un médecin italien du nom de Colombo explore les nymphes de la vulve et y découvre le clitoris. Il est le premier à l'avoir disséqué et étudié. Il affirme que "le clitoris est par excellence le siège du plaisir de la femme !". Il fait une analogie entre l'érection du clitoris et celle du pénis. J.C. Piquard est formel : "Une découverte qui ne sera jamais démentie, mais au contraire enrichie".
- 1750 : La prohibition de la masturbation
La masturbation, et plus précisément celle du clitoris, est admise en couple pour les raisons précitées. A savoir, une augmentation de la fertilité. En revanche la pratiquer en solo est sévèrement réprimandé. "C'est à Tissot que l'on doit cette sentence" rappelle J.C. Piquard. La masturbation est alors taxée de "pratique funeste" et la prohibition déferle dans les pays protestants : Allemagne, Grande Bretagne, Etats-Unis... Une vision radicalisée vers 1830 par certains médecins pratiquant l'excision "thérapeutique" ou encore "punitive", sur les jeunes filles récidivistes qui transgressaient cet interdit. En Amérique, le traitement peut même aller jusqu'à l'ovariectomie recommandée par le gynécologue Battey pour lutter contre la lascivité, la nymphomanie et l'hystérie. Une opération avec des conséquences opératoires mortelles allant jusqu'à 30 %.
- 1876 : Les médecins "ovulistes" jettent le blâme sur le clitoris
Dans les années 1800, les médecins tentent toujours de comprendre le processus de procréation. En 1840, le médecin Charles Négrier propose la théorie positive de l'ovulation spontanée, où celle-ci est indépendante de l'activité sexuelle, et régie par le cycle menstruel. L'orgasme ne jouerait donc aucun rôle dans la procréation ! En 1876, Oskar Hertwig et d'autres "ovulistes" observent que la procréation procède de la rencontre entre l'ovule et le spermatozoïde. Le couperet tombe : l'orgasme féminin n'augmente pas la fertilité de la femme ! "Une terrible involution pour le clitoris et le plaisir féminin" déplore le sexologue !
- 1880 : Les médecins habilités à "masturber" leurs patientes
Hippocrate, maître à penser de la médecine, avait établi la théorie des humeurs selon laquelle, celles-ci doivent s'échapper du corps, ni trop, ni trop peu. Si la femme mariée bénéficiait de la relation
conjugale pour expulser ses semences, les autres en revanche, étaient en grand danger d'hystérie. Les veuves et les jeunes filles en tête de liste. D'où les nombreux désordres que ces dernières connaissaient. Pour soigner l'hystérie, le médecin pratiquait alors des attouchements vulvaires, avec des vibrations pour qu'elles atteignent l'orgasme. "Pour informations, cette acte représentait environ 30 % du chiffre d'affaires" insiste J.C. Piquard ! Un chiffre révélé par Rachel Maines dans "La technologie de l'orgasme". Ainsi tout du long du 19ème siècle, les femmes seules ont eu recours à la médicalisation de l'orgasme.
conjugale pour expulser ses semences, les autres en revanche, étaient en grand danger d'hystérie. Les veuves et les jeunes filles en tête de liste. D'où les nombreux désordres que ces dernières connaissaient. Pour soigner l'hystérie, le médecin pratiquait alors des attouchements vulvaires, avec des vibrations pour qu'elles atteignent l'orgasme. "Pour informations, cette acte représentait environ 30 % du chiffre d'affaires" insiste J.C. Piquard ! Un chiffre révélé par Rachel Maines dans "La technologie de l'orgasme". Ainsi tout du long du 19ème siècle, les femmes seules ont eu recours à la médicalisation de l'orgasme.
- 1905 : Freud et l'orgasme vaginal
En 1905, Freud publiait ses "Trois essais sur la théorie sexuelle". Le psychanalyste a fait valoir que la sexualité clitoridienne était infantile. Explications : La petite fille investissait le clitoris dans une pulsion sexuelle infantile non organisée. Devenue adulte et structurée, elle devait le délaisser pour n'investir que le seul vagin. Si elle gardait le clitoris comme activité sexuelle, c'était alors une régression ! Comme l'a soulevé Alix Lemel2 : "Freud n'avait pas vu que le phallus que les femmes réclamaient à grands cris hystériques, n'était autre que ce clitoris qu'il leur avait ôté…". Freud aurait-il réussi à "éradiquer" le clitoris ?
- 1960 : Le clitoris a disparu des traités d'anatomie
L'obscurantisme gagne du terrain jusqu'à la fin des années 60, où le clitoris connaît son point le plus bas en termes de reconnaissances par les instances médicales. Il a quasiment disparu des traités d'anatomie… et des mentalités. Progressivement, les femmes vont se réapproprier leur corps, avec un virage notable en 68 !
- 1975 : La publication rapport Hite
Dans son rapport paru en 1975, Shere Hite publiait les résultats d'une grande enquête sur le plaisir féminin. Le clitoris occupait à nouveau une bonne place… "Un choix qui va lui valoir de quitter le territoire, et de renoncer à sa nationalité américaine !" ajoute le sexologue. Un pavé dans la mare, que se sont empressées de lancer les féministes… Tout doucement, le clitoris va revenir sur le devant de la scène !
- 1998 : Le clitoris reprend sa place dans les traités d'anatomie
Une urologue australienne Helen O'connell constate que lors de l'opération de la prostate chez les hommes, les chirurgiens prennent bien soin de préserver le nerf érecteur. En revanche, aucune précaution de ce type n'est prise lors d'intervention sur la zone génitale pour les femmes. Pourquoi ? Elle s'aperçoit que les nerfs de la sexualité féminine ne sont répertoriés dans aucun livre d'anatomie, à l'inverse des représentations masculines. Une disparité criante. Elle entreprend alors de retracer l'anatomie du clitoris avec les moyens modernes et… confirme les découvertes faites par Kobelt, tombées dans l'oubli3.
- 2005 : Les magazines féminins ne parlent plus que de ça !
La médecine semble avoir jeté un embargo sur le clitoris, tout comme l'éducation nationale, qui n'en fait pas mention dans les cours d'éducation sexuelle. Toutefois, les femmes se réapproprient leur corps par elles- mêmes, et la presse couvre tous les champs de la sexualité féminine, portant le clitoris au nu.
Le clitoris aujourd'hui !
En 2010, une enquête est lancée, par Annie Sautivet, professeur d'Art Plastique, en formation de sexologie, auprès des ados de 13/14 ans sur la représentation des organes génitaux. A peu près 50 % d'entre eux connaissent l'existence du clitoris, mais ne savent pas où le situer. Seulement 16 % connaissent sa fonction érogène. Pour J.C. Piquard : "On peut encore parler d'obscurantisme du point de vue médical… dans la nomenclature traitant des troubles de la sexualité, il n'y a plus le mot clitoris". Toutefois dans les mentalités c'est différent, il regagne considérablement du terrain…"Lors des consultations, on peut noter que chez les trentenaires plus de la moitié des femmes le connaissent bien…" ajoute J.C. Piquard. Qu'en est-il des hommes, et de la prise en compte aujourd'hui du plaisir féminin ? La question se pose encore. Le fameux "bouton de rose" peine à retrouver sa place dans la société, mais il est indéniable, que la révolution est bel et bien en cours !
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire